ARABES
et PHENICIENS
La
marine algérienne n’a pas été inventée par
les quatre
frères Barberousse.
Deux
millénaires auparavant, les Libyphéniciens , métissage
de berbères et de Phéniciens avaient été les
maîtres de la Méditerranée pendant des siècles.
Les Ora Maritima de Festus Avienus mentionnent que les Libyco-berbères
«eurent des peuples et des cités au délà
des Colonnes d’Hercule». Les marins berbères et phéniciens
de cette époque, allaient chercher de l’étain jusqu’aux confins
des îles britanniques.
Les arabes
furent de très bons navigateurs. Entre autres inventions liées
au monde marin, on leur attribue en particulier celles du gouvernail et
de la boussole. C'est le navigateur arabe Ibn Rachid qui mena la marine
du Portugal à travers les mers jusqu'en Inde.
A l'époque
les européens qui faisaient un grand usage de l'encens , de la canelle
, du gingembre et du poivre, convoitaient l'or , l'ivoire , les épices
et les soieries de l'Orient.
Le maghreb
entre le XI° et le XVI° siècle s'est livré à
la quête des richesses en mer, par piraterie interposée. Roger
II de Sicile en repressailles aux attaques répétées
des Zirides contre les côtes chrétiennes, avait armé
quelques 3OO navires. Les villes de Djidjell, Sfax, Djerba et Tripoli
furent attaquées (1143). Roger II finit par s'emparer de toutes
les villes de la côte Maghrébine.Il fit rajouter le titre
de roi d'Ifriqiya à celui de roi des Deux-Siciles qui était
le sien. Cette domination ne dura que quelques années.
On craignait
les quatre frères Barberousse en Méditerranée,
où ils firent leur apparition vers la fin du quinzième siècle.
Pour leur statut enviable à l'époque , de bandits des mers.
Les algériens
en firent leurs mercenaires. Un temps. Avant que l'ainé des
Barberousse, Aroudj, ne se fasse investir Sultan d'Alger en lieu
et place de Selim Al-Toumi qu'il venait d'étrangler dans son bain.
Au
Musée de Topkapi
SELIM
I°, l'empereur des turcs,
venait de conquérir
la Syrie , l'Arabie et l'Egypte. Après la reconquista espagnole
et la prise de Grenade en 1492, débuta une série d'attaques
de l'Espagne
contre l'Afrique
du Nord.
MELILA
fut prise en 1497.
MERS EL-KEBIR
en octobre 1505.
ORAN
en mai 1509.
BOUGIE
en janvier 1510.
TUNIS et
TRIPOLI subirent également le joug des espagnols qui étendirent
ainsi leur domination à l'ensemble du Maghreb. Pendant que les turcs
s'octroyaient la plupart des pays de l'orient arabo-musulman.
C'est tout
naturellement que les algériens se dressèrent pour lutter
contre le danger permanent que constituaient les armées espagnoles
le long de leurs côtes . Les fantassins et les marins espagnols de
plus en plus aguerris sur terre et sur mer, voulurent s'emparer d' Alger.
Jugeant l'affaire
trop risquée, les espagnols se contentèrent d'ériger
un poste d'observation au coeur de la baie d'Alger, le Pénon. D'où
ils supervisaient la ville, en filtrant la navigation algéroise.
La lettre rédigée
par les notables algérois qui déléguèrent Abou
AI-Abbas Ahmed BELKADI en Turquie figure sous le N° 6456 dans les archives
du musée de Topkapi à Istanbul. Elle est écrite en
langue turque. Abou Al-Abbas Ahmed BELKADI y est cité à plusieurs
reprises, en tant que Noble, Savant, Professeur et Moudjahid.
Le
même lettre résume la situation intenable vécue par
les algérois dés le début du XVI° siècle:
«Après
avoir pris Oran , Bougie et Tripoli , le but des infidèles était
de débarquer chez nous pour nous occuper nous disperser et nous
soumettre. Aroudj Bey nous est arrivé de Tunis dans le but de reprendre
Bougie aux infidèles et de rendre aux musulmans la prospérité
de leur ville. Lorsqu'ils sont arrivés à la citadelle
de Bougie, ils (les turcs) l'ont encerclée avec le moudjahid le
vertueux le jurisconsulte Abou Al Abbas Ahmed IBN AL QADI. ils ont ébranlé
leurs fondements et rasé les murs».
Les marins turcs
aidés par les fantassins kabyles commandés par Abou Al-Abbas
Ahmed BELKADI, vinrent au secours d'Alger.
SIDI
ABDERRAHMANE AL-THA’ALIBI
le
saint patron d'Alger
Un texte
ancien dit de Ahmed BELKADI:
«La
montagne de Couco eut vers 1515 son roi dont le pouvoir s’étendit
sur les Ait Yahia , Ait Bouchaib et les Ait Fraoucen. Ce personnage
se nommaît BEN EL QADI. Le cheikh arabe Et-Toumi (Salim Al-Toumi,
le Salim Ben Eddin de Marmol) chef des Aoulad Thaleba de la souche de Makil
était son parent et quand ce dernier eût été
tué par Barberousse, Ahmed Ben Al-Qadi se déclara ennemi
des turcs, sa haine fut tempérée par des intérêts
politiques».
L'auteur
espagnol Marmol dit de Abou AI-Abbas Ahmed BELKADI:
«hombre
noble y de linaje de Selim Ben Tomi sênor de Argel ».
De
cette illustre famille naquit le saint patron d'Alger, Sidi Abderrahmane
Al-Ta'alibi.
Un autre
auteur de l’ancienne Espagne, désigne Abou AI-Abbas Ahmed Belkadi
sous le nom de Seranath Ben El Cadi.
Il
s'agit d'une corruption phonétique de Sid
Ahmed
BEN EL KADI.
KOUKOU
Ce
haut lieu du savoir et siège de la dynastie fondée par le
soufi Abou Al-Abbas Ahmed BELKADI en 1511, en réponse à la
prise de Bedjaïa par les troupes espagnoles, n'est plus de nos jours
qu'un obscur hameau du Djurdjura , parmi des dizaines d'autres. Située
à quelques dix kilomètres de Aïn Al-Hammam, la
localité de Koukou n'est plus occupée que par quelques centaines
d'habitants.
Situation géographique de Koukou
«
A
l’époque de sa splendeur, nous dit G. DEVAUX (kebaïles
du djerdjera , Alger 1859 page 274 et suivantes),
Koukou
était entourée de murailles bastionnées d’un développement
de 2000 mètres environ. Ses murs allaient s’appuyer sur un rocher
à pic, fortification naturelle , nommé Azrou N Qelaa. Trois
portes donnent accès dans la place dans l'intérieur de l’enceinte
et à une centaine de mètres du gros du village, sont deux
Djemaâs: l'une dite korraba AL-KADI renferme les restes d'un chef
célèbre, dont les descendants existent encore. L'autre Djemaâ
surnommée El-kebira est de style sarrazin . Elle est
assez vaste et soutenue par deux piliers et deux colonnes (...) une antique
citerne de neuf mètres de long sur quatre de large se remarque à
la partie nord du village».
B. LECLERC
qui fit une incursion archéologique à Koukou
le 17 novembre 1857 écrivit:
"Il
est encore un monument de l'ancienne splendeur de koukou , c’est un beau
canon en bronze , de moyen calibre, mesurant deux mètres de long
et monté sur un affût
» .
On ignore
ce qu'est devenu ce canon.
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BREST
(Bretagne, France)
Mais
il y a un précèdent, car une immense bouche à feu
qui servait à la défense de la Régence d'Alger sous
les turcs , a été enmenée en France, au début
des années 1830.
Cette
arme baptisée "Baba Merzoug" par les algérois, véritable
chef d’œuvre du genre, et qui pouvait tirer à une portée
inconcevable pour l’époque, a été érigée
verticalement à l'intérieur de l'Arsenal de Brest en Bretagne,
jusqu’à nos jours.
Lorsque
les oliviers retrouveront leurs rameaux verts et robustes, et que les colombes
s’envoleront sans craindre les serres des vautours, gageons que notre si
courtois président Bouteflika saura nous ramener cette prestigieuse
pièce d’artillerie nationale, dont s’enorgueillira
notre
Musée de la marine à Alger.
Avec la
renaissance de l’entité algérienne , peu à peu se
reconstituera le puzzle de notre patrimoine national, l'un des plus préstigieux
du bassin méditérranéen, qui demeure clairsemé
à travers le monde occidental et ailleurs, dans les caves des musées
et les collections privées.
CERVANTES
Dans
un de ses livres, l'auteur Miguel CERVANTES de Saavedra (1547/1616) , le
père de Don Quichote, qui fut esclave à Alger de 1575 à
1580 avant d’être libéré contre le paiement d'une forte
rançon , fait dire au Roi de Koukou qui était tombé
amoureux de son personnage, la belle Arlaxa :
"Elle
peut augmenter la lumière du soleil
en
lui prêtant l'éclat de ses yeux".
CERVANTES,
a écrit un grand nombre de drames inspirés de sa captivité
à Alger .En trempant sa plume dans le stupre et le sang des croisades.
Parmi ses
oeuvres:
"La
vie à Alger",
«Les
bagnes d'Alger",
"Le
captif" ,
"La
grande sultane" ,
"Zara
et Zaraide" ,
ou
encore "Le vaillant espagnol».
Autant
d'oeuvres de l'écrivain espagnol qui demeurent méconnues
du grand public jusqu'à nos jours. Y compris en Espagne.
IBN
KHALDOUN
L’historien
et sociologue IBN Khaldoun, que plusieurs pays maghrébins
se disputent la nationalité, écrit à propos
de la confédération berbère des Zouawas - tribus
de la haute Kabylie - et de la montagne où furent érigés
les remparts de koukou :
«La
montagne des Beni FRAOUCEN et des Beni IRATEN est une de leurs retraites
les plus difficiles à aborder et les plus faciles à défendre».
Cela explique
le fief choisi par les Belkadi pour élever leur château fort
imprenable, et qui est complétement ruiné à notre
époque.
L'ARMADA
KABYLE
L'auteur
espagnol médiéval Marmol y Carvajal donne une idée
de la puissance militaire du roi Si Amar BELKADI qui régnait
à Koukou prés d’un siècle après le décès
de Abou Al-Abbas Ahmed BELKADI:
"Il
(le roi) avait 5000 arquebusiers et 1500 chevaux, sans compter plusieurs
autres gens armés à la façon du pays , tous braves
et experts dans les armes".
La
permanence du souvenir de cette période très mouvementée
de l'histoire algérienne est encore vivace en Kabylie , particulièrement
chez les sujets âgés. Même si les versions diffèrent
d'un témoignage à l'autre . Tradition et mémoire orale
obligent.
LA
GENEALOGIE OFFICIELLE
L'auteur
Mustafa Ben Hussain AI-Hussayni dit «Djennabi»
qui
vivait en 999 de l'Hégire (1590 de J-C) écrit:
«Parmi les princes Zouaouas qui gouvernèrent
les environs d’Alger il y eut la dynastie des IBN AL-KADI. Le premier d'entre
eux fut Ahmed connu sous le nom de IBN AL-KADI . Homme savant et
pieux auquel la population se soumit et qui régna environ trois
ans. Il fut à sa mort remplacé par son frère
Mohammed Ben AI-Kadi qui gouverna une trentaine d'années et qui
fut à sa mort remplacé par son neveu Ahmed Ben Ahmed , dont
le gouvernement dura une dizaine d'années et qui mourut en 991 H
(25 janvier 1583). Il eut pour successeur son fils Mohammed
ben Ahmed connu sous le nom de Ibn AI-Kadi . Ces chefs avaient pour
ville principale Koukou qui était un vaste château fort dans
une position très forte».
Cette
généalogie donnée par Djennabi n’est pas exacte, car
le 16 juin 1598 le sultan Amar BELKADI qui régnait à ce moment-là
sur la principauté de Koukou, dans sa lettre adressée au
roi d'Espagne PHILIPPE III et actuellement aux archives du Ministère
espagnol des Affaires Etrangères à Simancas, écrivait:
«Escrive
Homar, hizo de homar, hizo de hamed, hizo de Mamed ,hizo de hamed, hizo
Del Cadi rey de Cuco».
Autrement
dit:
«Omar,
fils de Omar, fils de Ahmed, fils de Mohammed, fils de Ahmed, fils de AI
Kadi roi de Koukou».
Donc
, à cette date du 16 juin 1598 , c'est à dire au moment
où le roi Amar BELKADI écrivait sa lettre au roi d'Espagne
PHILIPPE II , cinq personnages de cette famille avaient succédé
à Abou Al-Abbas Ahmed BELKADI, roi d’Alger et fondateur de
la dynastie de Koukou , pour régner en ligne directe, dans la seigneurie
de Koukou sur une grande portion de la Kabylie. Dont la Kabylie Maritime
et le port de Azeffoun. Ce dernier fut édifié par Abou Al-Abbas
Ahmed BELKADI pour contrecarrer la puissance des turcs dans
cette portion du littoral algérien.
Il
y eut d'autres rois à Koukou, avant la scission de la famille BELKADI
en deux branches princières et l'extinction définitive du
royaume vers 1750.
Une
légende relative au pic de Tamgouth , voisin de l'Azrou N Thor,
muraille rocheuse culminant à 1884 m à l'est de Tîrourda
dans le massif du Djurdjura, dit qu'un certain personnage parmi les ancêtres
des BELKADI, et père d'un jeune garçon, périt assassiné.
Sa
veuve issue des rois Hafsides de Tunis craignant de voir son enfant subir
le même sort, se réfugia sur le Tamgouth où, pendant
quelques temps ses ennemis la tinrent assiégée.
Un soir
à la faveur de l'obscurité de la nuit elle trouva le moyen
de tromper la vigilance des assiégeants pour fuir la Kabylie
avec son enfant. A la cour de Tunis elle fut accueillie par sa famille,
auprès de qui elle ne cessa de solliciter le châtiment des
meurtriers de son mari.
Il
s'agit de Aïcha
BELKADI que les archives
espagnoles mentionnent, sous le titre «El
Reina del Cuco (la reine
de Kouko)». Qui , profitant de la correspondance que son mari
échangeait avec le roi Philippe III d'Espagne, se permettait de
demander de menus cadeaux pour son usage personnel, à la reine d'Espagne:
"Unas
pocas de perlas, un poco de blonda, un poco de cambray, un poco de terclopelo
brocatelado, un poco de almizcie. Que dice son cosas que no las ay en su
tierra" .
"Un
peu de perles fines, un peu de dentelle de la toile de Cambrai, un peu
de velours de brocard, un peu de musc, toutes choses que l'on ne trouve
pas dans mon pays".
Devenu
adolescent vers 1632/33 , le fils posthume de Amar BELKADI , Sidi
Hend BELKADI appelé «Ahmed Tounsi» par les historiens,
revint en Kabylie à la tête d'une troupe de soldats mis à
sa disposition par le Sultan Hafside de Tunis. Il reprit le pouvoir
et s'installa à Aourir At Ghobri.
Ce Hend
-Hend étant la contraction kabyle du prénom Ahmed-
Tounsi était né vers 1618/19 et il mourut vers 1696/97, date
à laquelle lui succéda son fils Ali BELKADI .
Le
souvenir de ce surnom d'emprunt «Tounsi» finira par disparaître
au sein de cette famille BELKADI, dont nous aimerions tant recueillir la
mémoire collective.
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